Art Manu

In Memoriam

                           

Pièce de théâtre

 

Plusieurs personnages possibles.

 

Rolande:                Femme âge mûr, joviale, intense.

Employé(e):          Rôle à déterminer au besoin.

Linda:                    Jeune femme amère, fille de Suzanne. 

Suzanne:               Femme âge moyen, mère de Linda.

Gardien:                Rôle à déterminer au besoin.

Charles:                 Homme âge moyen, heureux.

Karine:                   Femme âge moyen, directe, pince sans rire.

M. Roy:                  Homme âge mûr, en perte de mémoire.

Martin:                  Homme âge moyen, macho, coloré.

Pierre:                    Homme âge moyen, débordé, fils de M. Roy.

Claire:                    Femme âge moyen, nerveuse. 

Roger:                   Homme âge mur, avec un secret.

Laurence:              Jeune femme, sensible, fille de Claire/Roger

Johanne:               Femme âge moyen, libre, tante de Charles.

 

In Memoriam

Texte original de Manuel Guérette.

Les yeux se ferment et nous restons seuls, nos yeux grands ouverts. Il ne reste qu’une pierre gravée pour nous rappeler qui nous sommes, qui nous avons été. Chaque jour, chaque dimanche on vient visiter notre passé. On y vient se réjouir, on y vient se demander, on y vient réaliser que nous sommes éphémères et tellement impuissants.

EXTRAIT:

M.Roy :       Bonjour Robert. (Le gardien lui fait signe de la tête.) Je ne peux pas rester longtemps aujourd’hui. J’avais oublié de prendre mon rendez-vous. En fait je pensais que ça se faisait automatiquement quand que tu l’avais fait une fois? Mais paraît que non. Me semble qu’avant, j’avais pas besoin d’appeler? Ils ont dû changer ça. (Le gardien hausse les épaules) Je trouve ça vraiment tannant ce système-là. Si j’allais au cimetière j’aurais pas besoin de rendez-vous. (Le gardien s’éloigne) Excuse-moi Denise, je ne t’ai même pas dis bonjour. Ça me dérange cette histoire de rendez-vous là. Je vais peut-être être obligé de changer d’heure. J’haïs ça les changements. Ça me mélange de plus en plus. J’oublie tout on dirait. Ça fait presque trois ans que je viens ici. Me semble que je devrais savoir comment ça marche. C’est vrai que j’ai pas bien dormi ces derniers temps. Je fais des cauchemars comme je n’ai jamais fait. Cette nuit j’ai rêvé que j’avais douze ou treize ans pis que je me retrouvais sur le bord du quai au village. Tu t’en rappelles du quai? Y’avait plein de trous partout, fallait faire attention pour pas tomber dedans. Ben le petit chien de môman, Teddy, était tombé dans un de ces trous-là. Moi j’étais sur le quai pis je l’entendais se lamenter dans le fond du trou. Je voulais aller le chercher mais j’étais pas capable d’avancer tellement y’avait des trous qui se rajoutaient. C’était comme si le plancher du quai disparaissait en dessous de mes pieds. Môman était de l’autre bord de la rue pis elle me criait : Viens t’en! Viens t’en! J’ai fait un pas par en avant pis en même temps que j’ai vu le chien dans le fond du trou, je suis tombé dedans moi aussi. Je me suis réveillé tout trempe avec la boule dans la gorge. Tu sais la sensation de tomber dans un rêve, je pense que c’est la pire affaire. Y’a pu rien en dessous de toi pis t’as rien pour te tenir. Tu tombes c’est tout. J’ai été obligé de me lever pour me changer. J’ai pris un verre d’eau pis je me suis recouché mais j’ai pas redormi. Tu sais, j’ai pensé à ben des affaires pendant ce temps-là. Mon rêve là,  y’es pas si bizarre dans le fond. C’est vrai que je tombe. C’est vrai que je suis dans un trou pis c’est pas le chien qui se lamente, c’est moi. J’oublie Denise. Mes souvenirs tombent un à un. Ma vie est rendue comme le quai dans mon rêve. Pleine de trous. Le soir, je ne me rappelle pu ce que j’ai mangé pour dîner. Le matin y faut que je regarde dans le lave-vaisselle parce que je sais pu si j’ai soupé. J’ai peur de t’oublier Denise. Qu’est-ce que je vais faire si je me rappelle plus de toi? T’es tout ce qu’il me reste. Je ne veux pas finir ma vie dans le trou Denise, comme le chien à maman. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je le sais pourquoi j’avais pas de rendez-vous aujourd’hui. C’est parce qu’aujourd’hui c’est dimanche. Pis moi je viens le samedi d’habitude. Tu vois, j’me rends compte que je suis mêlé, mais rien qu’après. Pourquoi? Y’est déjà tard. Y faut que je parte, France pis Alain viennent souper avec les enfants. Pierre lui, a pas le temps. Excuse-moi mon amour j’ai pas été ben drôle aujourd’hui. Aide-moi. Prie pour moi. Je vais prier pour toi aussi.  Je sais pas quand j’va revenir. Je sais pas. 

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